Aux prises avec une rareté de main-d’oeuvre de plus en plus handicapante, les dirigeants de PME pressent les gouvernements de réduire leur fardeau fiscal afin de leur permettre d’offrir à leurs employés actuels et potentiels de meilleures conditions salariales, rapporte un sondage.

Parmi la demi-douzaine de solutions soumises par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) dans un sondage auprès de ses membres, la plus populaire, avec l’appui de trois répondants sur cinq (61 %), a été une diminution des taxes et impôts des petites et moyennes entreprises (PME) pour libérer la marge financière nécessaire afin d’investir davantage dans les salaires de leurs employés. Viennent tout de suite après la bonification des crédits d’impôt pour les travailleurs âgés de 55 ans et plus (59 %) et une baisse de l’impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires (55 %).

« Ces mesures sont favorisées par les employeurs, car elles ne leur causent pas de paperasse et incitent efficacement à la rétention des talents », expliquait la FCEI samedi au moment de dévoiler les résultats d’un sondage Internet réalisé auprès de ses membres et auquel 1 110 propriétaires de PME québécoise ont répondu du 19 décembre au 13 janvier.

Encore considérée comme une préoccupation sérieuse par moins de la moitié (49 %) des chefs d’entreprise en 2016, la pénurie de main-d’oeuvre qualifiée a été mentionnée, cette fois-ci, par presque 80 % des répondants. Plus de trois chefs d’entreprises sur quatre — et quatre répondants sur cinq dans les plus petites PME — ont dit avoir allongé leur propre journée de travail pour compenser. La moitié rapportent avoir été forcés de refuser des ventes ou des contrats et plus du tiers disent avoir dû annuler ou reporter des projets d’affaires.

Problème urgent à long terme

L’enquête de la FCEI n’est que la dernière étude en date qui vient documenter la situation de plus en plus délicate dans laquelle la vigueur de l’économie et le vieillissement de la population mettent les entreprises québécoises. La semaine dernière, l’Institut du Québec dressait un bilan du marché de l’emploi québécois et y rapportait notamment la multiplication par deux depuis cinq ans du nombre de postes vacants de 70 000 à 138 000, dont plus de 40 % étaient affichés depuis au moins trois mois. À moins que ne survienne une récession, ce problème se fera ressentir au moins jusqu’en 2029, y prévenait-on.

Conscient du problème, le gouvernement québécois a multiplié les mesures visant notamment à attirer les jeunes travailleurs par des stages, à encourager la formation continue en entreprise, à garder les travailleurs expérimentés dans le marché de l’emploi et à favoriser la numérisation et l’automatisation des entreprises.

Les mesures proposées sont favorisées par les employeurs, car elles ne leur causent pas de paperasse et incitent efficacement à la rétention des talents

« On sent que le gouvernement est actif. On sent qu’il veut mettre en place des programmes », s’est félicité en entretien téléphonique au Devoir François Vincent, vice-président à la FCEI.

Malheureusement, presque la moitié des répondants (44 %) au sondage disent ne pas avoir fait appel à l’une ou l’autre de ces mesures, souvent parce qu’ils n’en connaissaient même pas l’existence (40 %), ou alors parce qu’ils les trouvaient trop complexes (33 %) dans une économie québécoise où plus de la moitié des entreprises comptent moins de cinq employés.

Prochain budget

Le gouvernement doit aussi de toute urgence trouver le moyen de simplifier et de mieux faire connaître ses moyens de lutte contre la rareté de main-d’oeuvre, dit François Vincent. Mais ça ne sera pas suffisant. « Il faut faire plus, parce qu’on est en plein coeur de la tempête. Et ça ne va pas aller en s’améliorant. »

En pleine préparation de son prochain budget, Québec devrait commencer par éliminer cette incompréhensible disposition qui empêche les plus petites PME des secteurs des services et de la construction de bénéficier des mêmes taux d’imposition que les autres PME, dit-il. « Cela leur permettrait au moins de se battre à armes égales pour attirer de la main-d’oeuvre. »

Des règles fiscales plus généreuses à l’égard des travailleurs expérimentés aideraient aussi le Québec à rattraper son retard sur l’Ontario en ce qui a trait à leur taux de participation au marché de l’emploi.

Outre les autres mesures déjà citées, plus du tiers des répondants en ont aussi appelé à une augmentation du nombre d’immigrants économiques et un autre tiers à une bonification du soutien aux stages et à la formation en entreprise.

 

 

E. Desrosiers, Le Devoir, 11 février 2020